4. Les règles de conduite
de Daniel GOUY
La réussite d’une randonnée en tandem avec un déficient visuel nécessite de bien maîtriser le véhicule. Pour cela il faudra respecter quelques règles facilitant les départs et les arrêts et permettant une conduite confortable et en sécurité.
4.1. Les départs
Avant de monter sur le tandem le guide approche le déficient visuel équipé (casque, gants etc.) sur le coté droit du tandem et pose la main gauche de ce dernier sur la selle arrière. A partir de cet instant le copilote peut se situer par rapport au tandem et attraper avec sa main droite le guidon arrière.
Déficient visuel à droite du tandem
Il est important de le placer à droite du tandem car lorsque l’on est sur une route il se trouve ainsi au bord de la chaussée plus en sécurité et loin des véhicules qui passent.
– Le guide vérifie que les développements sont suffisamment petits pour permettre un départ aisé (cette recommandation est fondamentale pour le bon fonctionnement du mécanisme et pour sécuriser l’équilibre au démarrage du tandem). Il enlève la béquille et pousse le tandem jusqu’au point de départ avec le copilote qui suit en tenant le tandem par la selle. Le guide enfourche alors le tandem sur la place avant en passant une jambe par-dessus le tube horizontal du cadre en travers et non par l’arrière comme on le fait souvent en solo afin de ne pas blesser le copilote qui ne le voit pas. Il se place à cheval sur le tube horizontal, en position de delta les jambes suffisamment écartées pour que les pédales avant puissent passer entre ses jambes sans le blesser lorsque le copilote s’installera. Si non gare aux tibias !
Guide en position de Delta
Le guide serre les freins, maintient fermement le tandem en position parfaitement verticale avec les cuisses et annonce au copilote qu’il peut monter.
– Le copilote enfourche à son tour le tandem et s’installe calmement assis sur la selle, les 2 mains au guidon et les 2 pieds sur les pédales dans les coques. C’est là que les sandows sont très importants car ils maintiennent les pédales horizontales en position idéale et facilitent l’entrée des chaussures dans les coques. Si le pilote tient ermement le tandem en position parfaitement verticale cette situation est stable, assez confortable pour les 2 partenaires et peut être maintenue assez longtemps.
Guide en position de delta et copilote assis pieds aux pédales
Avec cette technique il est possible pour un guide expérimenté d’emmener un copilote faisant le double de son poids sans difficulté. Donc tout guide même de petite taille ou une femme peut emmener un déficient visuel de taille normale si il respecte ces recommandations. Le copilote annonce lorsqu’il est prêt et indique la pédale qui est en position haute. Cette technique est valable pour les pilotes partant des 2 pieds sinon le copilote relève la pédale préférée par le guide.
– Le guide met alors son pied dans la coque de la pédale en l’air en maintenant toujours le tandem bien vertical. Attention, si il le laisse pencher il risque de ne pas pouvoir le tenir sous l’effet du poids du copilote et il y a risque de chute. Le tandem étant bien vertical et tout le monde prêt il procède à l’annonce du départ et lâche les freins.
– Les 2 partenaires appuient en même temps sur les pédales, le tandem roule sans difficulté et le guide place son deuxième pied dans la coque.
4.2. Les arrêts
Pour s’arrêter on utilise les mêmes règles d’équilibre et une procédure similaire au départ mais en sens inverse.
– Le guide prévient le copilote de l’arrêt prochain, passe sur un petit développement pour pouvoir repartir aisément et choisit pour s’arrêter un endroit pas trop près d’un fossé ou d’un trottoir afin que le copilote puisse descendre par la droite. Il s’arrête de pédaler, freine progressivement et immobilise en douceur le tandem en restant parfaitement vertical, freins serrés et position des jambes en delta. Cette position est toujours confortable pour les 2 partenaires et peut être maintenue assez longtemps par exemple en attente du passage d’un feu rouge au vert ou pour toute autre raison qui nécessite l’arrêt mais qui sera suivi d’un nouveau démarrage. Si c’est un arrêt définitif et en sécurité il annonce au copilote qu’il peut descendre.
– Le copilote descend du coté droit du tandem en gardant la main gauche sur la selle arrière.
– Le guide descend à son tour toujours en passant la jambe par-dessus le tube horizontal afin de ne pas blesser le copilote. Si ils doivent se déplacer il pousse le tandem et le copilote suit en tenant le tandem par la selle ; les obstacles éventuels sont signalés par le guide. A l’emplacement voulu il place le tandem sur sa béquille et tend le bras à son copilote pour le guider.
4.3. La conduite
La conduite du tandem par beaucoup d’aspect ressemble à celle d’un vélo mais nous préciserons quelques points propres au tandem et en particulier au tandem avec déficient visuel.
L’équilibre du tandem comme celui du vélo est fonction de la vitesse par suite de l’effet gyroscopique. C’est pourquoi dès que le démarrage est réussi et une certaine vitesse atteinte il n’y a plus de problème d’équilibre, le jeune tandémiste est ainsi rapidement en confiance et pense maîtriser sa machine. Mais en fait dès qu’il y a des ralentissements bon nombre de pilotes ont des difficultés à garder l’équilibre car la maniabilité du tandem à faible vitesse est moindre que celle d’un vélo en raison de la longueur et du poids et ce d’autant plus que le copilote est plus lourd. Pour améliorer cet équilibre il faut regarder loin car c’est l’oeil qui guide la trajectoire, utiliser de faibles développements et travailler l’équilibre et la maniabilité à faible vitesse avec le guidon. Ce point est très important pour circuler en ville en sécurité où il faut être capable de faire pratiquement du surplace. Un entraînement spécifique doit être envisagé et faire partie de la formation des débutants. Attention donc à l’excès de confiance en soi qui s’installe trop rapidement chez le débutant. L’adaptation s’effectue progressivement au tandem et au déficient visuel. De plus le changement de matériel et de partenaire nécessite à chaque sortie une nouvelle adaptation. Il faut penser à garder même avec l’expérience une marge de sécurité importante.
Comme sur un vélo il faut faire attention à la position des pédales dans les virages et relever la pédale intérieure afin de ne pas toucher le sol lorsque le tandem se penche. Dans les grandes descentes où on ne pédale pas le changement de position des pieds est une façon de prévenir le copilote du virage à venir chez les équipages expérimentés. A propos de la position des pédales, attention lors des passages de bosses ou de creux très marqués de ne pas reprendre le pédalage trop tôt car les pédales du copilote risquent d’accrocher. Placer les pédales à mi hauteur et attendre que les 2 partenaires aient franchi l’obstacle pour reprendre le pédalage.
Le pédalage en phase doit être rond, régulier sans à-coup ni de l’un ni de l’autre. C’est là que l’esthétique du tandem peut s’exprimer. Les changements de braquets si ils sont réalisés en souplesse n’ont pas besoin d’être annoncés. Par contre le changement de plateau qui nécessite un léger temps d’arrêt doit être annoncé.
Comme sur le vélo le freinage doit porter sur les 2 roues, ne doit pas être réalisé dans les virages mais anticipé afin que la roue avant soit dans l’axe et ce d’autant plus qu’en tandem le freinage sur la roue avant doit être plus puissant qu’en solo mais sans jamais bloquer les roues. La distance de freinage sera dépendante de nombreux facteurs : la vitesse, le poids du tandem et de son chargement, l’adhérence, la qualité des freins et l’expérience du pilote.
La surveillance de l’adhérence est très importante et il faut être très vigilant avec les routes mouillées, flaques d’eau, lavage de voiture, gas-oil en particulier sur les rond points, gravier, sable, boue, signalisation peinte sur la chaussée, feuilles mortes, déjections (bouses de vache sur les petites routes,) etc.
Dans sa conduite le guide doit absolument respecter le code de la route et ne prendre aucun risque d’une part parce que le 2 roues est très vulnérable sur la voie publique d’autre part parce que son copilote est complètement désarmé face aux agressions de la circulation (voir 5. rouler en sécurité). Il doit toujours être vigilant, anticiper les dangers et se faire voir ; cela demande une grande attention surtout en ville. Il faut toujours surveiller les véhicules venant de derrière et faire attention aux angles morts en tournant régulièrement la tête sur les cotés en particulier à l’approche des carrefours. Le respect des piétons est essentiel de même que l’on voudrait être respecté par les automobilistes.
La vigilance est fonction de la forme physique et de la fatigue d’où l’intérêt d’adapter la randonnée à la forme des 2 participants et de s’entraîner régulièrement car la sécurité est améliorée en même temps que le plaisir de rouler. En fin de randonnée avec la fatigue la vigilance peut diminuer. Dans le même ordre d’idée il faut tenir compte de la consommation d’alcool qui est déconseillée et éventuellement de la prise de médicament modifiant le temps de réaction et la vigilance du pilote.
La conduite fera l’objet d’échange d’informations entre les partenaires. Le guide commente le parcours et le paysage (village, rivière, forêt, cultures, château etc.) et annonce les obstacles tels que les bosses, caniveaux ou virages serrés afin de renforcer la vigilance et la tenue du copilote sur le guidon et les pédales. De même des branches sur un chemin ou fréquemment les haies mal taillées sur les pistes cyclables doivent être annoncées pour qu’il baisse la tête. L’annonce des rencontres permet aussi d’agrémenter la sortie. Des cyclotouristes venant en face pourront ainsi être salués tandis que le rattrapage d’un autre cyclo pourra permettre un brin de conversation. Le déficient visuel ayant été averti pourra participer à ces échanges. Le guide doit aussi annoncer des actions à effectuer pour la signalisation comme tendre le bras pour le changement de direction ou information d’autres cyclo lorsque l’on roule en groupe (lever le bras si arrêt brusque). Il annonce aussi lorsqu’il faut se redresser sur les pédales pour se mettre en danseuse simultanément. De la même manière le copilote fera des annonces pour prévenir le pilote lorsqu’il attrape son bidon (arrêt du pédalage), lorsqu’il veut lâcher le guidon ou se lever de la selle pour se détendre, changer de vêtement etc. Il fera également ses commentaires sur son ressenti par les autres sens et ainsi révélera au guide d’autres aspects de la randonnée qui lui avaient échappés.