1. Pilote ou Guide ?
de Daniel GOUY
Un déficient visuel peut conserver à son domicile ou dans son voisinage très proche ou lors de ses activités professionnelles grâce à sa mémoire, son organisation et le développement de ses sens en particulier tactiles, une activité gestuelle qui étonne les valides. Par contre il est désorienté dès qu’il se trouve en dehors de ses repères familiers. Au fur et à mesure qu’il s’éloigne de son environnement connu, dans la rue ou sur une route le repérage devient de plus en plus difficile puis impossible et ce d’autant plus que des obstacles tels que les véhicules sont mouvant dans l’espace et dans le temps. Il en résulte que les déplacements seul sur la voie publique sont limités à des zones connues et équipées d’aide sonores ou tactiles. Au delà le recours à un guide est nécessaire pour circuler en sécurité. De la même façon tous les moyens de locomotion tels que vélo, moto et automobile ne peuvent être utilisés par les déficients visuels qui doivent donc avoir recours aux transports en commun ou faire appel à une autre personne qui pilote le véhicule. Ce handicap ne permet pas d’avoir accès à toutes les activités sportives basées sur le pilotage en particulier le cyclisme. Cependant il est possible pour un déficient visuel de faire du tandem si celui-ci est conduit par un voyant qui guide le véhicule de la même façon qu’il lui est possible de faire de la course à pied ou du ski en étant accompagné par un guide qui lui montre le chemin et lui indique les obstacles.
Piloter dans le noir ?
Dans le cas du tandem de valides les 2 membres de l’équipage sont appelés en anglais « captain et stocker » tandis qu’en français on utilise en général le terme de pilote et copilote en se référant ainsi dans les 2 langues à l’aspect du pilotage et de la répartition des taches c’est-à-dire essentiellement l’aspect physique et sportif. Il est curieux de remarquer que sur les tandems mixtes l’homme est en général le pilote et la femme le copilote ou « stocker » c’est-à-dire le membre de l’équipage dédié surtout à donner de la puissance au tandem alors qu’elle serait tout à fait apte à piloter. L’origine machiste de ce fait trouve cependant une justification mécanique puisqu’il est préférable que le plus léger soit à l’arrière pour le rendement du tandem.
Dans le cas du tandem pour déficient visuel on peut utiliser la même terminologie de pilote pour le valide et de copilote pour le déficient visuel. Cependant cela me semble un peu restrictif pour le valide dont le rôle va bien au delà du pilotage puisqu’il s’agit d’une véritable fonction de guide au sens de montrer le chemin, accompagner. D’autant plus que cette activité commence avant de monter sur le tandem en accompagnant le déficient visuel depuis son lieu de prise en charge jusqu’au tandem ; puis sur le tandem au cours du pilotage en prévenant des obstacles, des changements de direction, freinage et des actions à entreprendre (tendre le bras, se mettre en danseuse, etc.) et en décrivant le parcours et le paysage. De plus en cas d’arrêt dans un endroit complètement inconnu le valide n’est plus un pilote mais bien un accompagnateur qui aide le déficient visuel en lui indiquant les obstacles (caniveaux, trottoirs, fossés, bornes barrières, etc.) Cette fonction de guide est particulièrement importante car l’arrêt s’effectue en général en bordure de route c’est-à-dire dans un espace potentiellement dangereux où il faut être très attentif à la sécurité du déficient visuel comme de soi même et ne pas s’exposer aux autres véhicules. Au cours de ces arrêts l’accompagnement en lieu inconnu s’étend à toutes les activités de la vie courante (visiter un bâtiment, monter des escaliers, installation pour un repas ou dans une chambre, recherche des toilettes etc.). En un mot après l’arrêt du tandem l’équipage doit continuer à rester soudé et fonctionner en binôme pour toute la durée de la sortie.
Un bon guide
La fonction du guide de tandem pour déficient visuel est donc assez similaire à celle du guide ou accompagnateur de montagne qui montre le chemin, organise et assure la sécurité des randonnées. Comme le guide de montagne le valide doit aussi veiller à sa propre sécurité afin d’éviter tout accident ou incident qui conduirait le déficient visuel à se retrouver seul perdu dans un lieu inconnu potentiellement dangereux pour lui. Cette remarque est très importante pour les randonnées en duo et ce d’autant plus que l’on prend plus de risques en faisant des randonnées éloignées en zone sauvage où une aide extérieure est peu probable. Dans ce cas une parfaite condition physique confirmée par une visite médicale, une grande prise de conscience du danger et une prudence accrue sont nécessaires. Ainsi lors d’une quête de cols en haute altitude il m’est arrivé de renoncer car le chemin et la météo me sont apparus insuffisamment surs pour s’engager en duo avec un déficient visuel.
Bien évaluer le danger et la prise de risque
Le pilotage n’est donc qu’une partie technique certes très importante que nous détaillerons dans la suite de ce document mais insuffisante pour accompagner à bicyclette les déficients visuels.
Pour le copilote également il ne suffit pas d’appuyer sur les pédales pour donner de la puissance au tandem mais il doit aussi être en harmonie et bien communiquer avec son guide pour l’ensemble de la randonnée et pas seulement sur le tandem.
Pour revenir à la terminologie il me semble que l’on peut utiliser les termes de pilote et copilote pour les tandems de compétition mais dans le cadre de ce document et de la randonnée cyclotouriste généralement pratiquée le terme de guide est plus adapté pour le valide. En l’absence de terme consacré le déficient visuel sera appelé copilote. Dans le milieu des déficients visuels le terme de miraud est souvent utilisé sans aucun caractère péjoratif. Nous l’éviterons cependant dans Le guide du tandem.