Un dimanche de juillet, la météo étant plus optimiste sur le Comtat Venaissin que sur le Languedoc, deux membres du Montpellier Tandem Club Handisport dont un mal voyant, mettent le tandem dans la voiture et prennent la direction de Bédoin, point de départ de leur randonnée. A Carpentras, le ciel très clair permet d’admirer les dentelles de Montmirail d’un coté et les monts du Lubéron de l’autre mais entre les deux un gros nuage blanc recouvre pudiquement le Géant du Midi (alias Mont Ventoux).
A 9 heures la monture est prête avec les sacoches renfermant le matériel du randonneur autonome, le pique nique et des vêtements chauds car un vent assez fort est prévu sur le sommet du Mont Ventoux. Un plan d’ascension a été établi avec des pauses en fonction de l’élévation afin de permettre hydratation, alimentation et récupération. Tout est prêt, le Géant a toujours son capuchon sur la tête et les deux compères peuvent commencer la séance de « moulinette » qui va durer plusieurs heures. Après quelques kilomètres au lieu dit Saint Estève, le Géant, toujours la tête dans les nuages, commence à se défendre par la base ; la pente s’accentue brutalement, il commence à faire chaud au soleil et la tenue estivale est de rigueur. Malgré les forts pourcentages, l’ascension dans la forêt est très agréable. De nombreux autres cyclos sont également présents en cette matinée dominicale ce qui donne lieu à des échanges sympathiques et des encouragements réciproques. A la sortie de la forêt le Géant fait toujours son timide derrière le voile nuageux mais continue de distiller ses raidillons successifs. Il fait mine d’être accueillant avant le Chalet Reynard, mais c’est pour mieux se défendre sur le final dans le désert de cailloux. Il fait alors appel à ses alliés, le brouillard et surtout Eole l’ennemi juré des cyclistes. Après un arrêt pour faire le plein d’eau, se ravitailler et mettre des vêtements plus chauds, les deux compères pédalent de plus belle à la conquête de ce sommet invisible tant convoité. Le géant sort alors ses dernières armes, vicieux il diminue légèrement la pente et compte sur l’effet conjugué de la durée de l’ascension et du vent pour épuiser ses assaillants. Mais les deux randonneurs serrent les dents et arrivent lentement mais surement au mémorial de T. Simpson puis au col des tempêtes. C’est alors que, miracle, le Géant se rend, son voile nuageux s’effiloche laissant apparaitre en plein soleil son magnifique et impressionnant sommet lunaire. Dans le même temps, le vent devient favorable pour les derniers hectomètres comme si le bon Géant tendait les bras aux audacieux pour les accueillir au sommet vainqueur et vaincu confondus.
Daniel Gouy